Postures rituelles et transe extatique®

La stimulation rythmique du corps humain accompagnant des postures rituelles peut conduire à un autre stade de conscience, menant à différents champs d’une réalité alternative.

Felicitas D. Goodman (1914-2005), professeur, docteur en philosophie, diplômée en linguistique et en anthropologie, et son équipe du « Cuyamungue Institute » au Nouveau Mexique (USA) en collaboration avec le « Felicitas Goodman Institut » (Allemagne) ont étudié les effets d’environ quatre-vingts différentes positions corporelles rituelles accompagnées d’un rythme de 210 battements de crécelle ou de tambour par minute. La posture la plus ancienne est présumée avoir un âge de 32.000 ans.

C’est la recherche du Dr Goodman sur la glossolalie (série de sons et de mots dont on ne peut saisir le sens) comme composante des rituels de transe religieuse qui l’a amenée à se demander s’il était possible de réaliser une transformation corporelle sans changer également de langage. Prenant les étudiants de son université comme sujet d’étude, elle a utilisé quelques unes des méthodes reconnues comme introducteurs de transe lors de précédents travaux menés dans les églises apostoliques de Mexico. Bien que ses étudiants aient réussi à parvenir à «un autre stade de conscience », le Dr Goodman était déçue du manque de point commun entre ses expériences. Peu après, elle découvrit le chaînon manquant. Après avoir constaté que la position du corps, lors de séances de méditation, pouvait causer certains changements physiologiques, elle s’était mise en quête de postures qu’elle pourrait utiliser dans ses recherches sur la transe. Elle trouva ce qu’elle cherchait dans des photographies de statuettes et de peintures rupestres vieilles de milliers d’années, et représentant probablement des rituels religieux complets. En reproduisant certaines de ces postures avec des volontaires, et en utilisant une crécelle comme stimulus rythmique pour accéder à la transe, elle constata que le niveau de conscience se modifiait considérablement : ils parvenaient à un état de transe qui servait de portail vers une réalité alternative, où ils atteignaient l’extase. La cadence de 210 craquements de crécelle/minute aidait à faire tomber une barrière stratégique du système nerveux et à atteindre un autre stade de perception, l’un de ceux qui permettent un état de transe, y compris des visions.

La plupart des postures de transe ayant fait l’objet de recherches vient des chasseurs-cueilleurs et des horticulteurs. Ces tribus ne séparaient pas la « réalité ordinaire » de la « réalité non ordinaire », comme nous le faisons. La transe était socialement reconnue et acceptée comme une méthode de retour à l’harmonie.

Les postures qui amènent à la transe sont encore pratiquées de nos jours dans les sociétés qui prennent racine dans la tradition des horticulteurs. Ainsi, les asanas du hâta yoga trouvent leurs racines dans les positions corporelles rituelles des cultures chamanistes.

Cela ne suffit pas à expliquer pourquoi la recherche de la connaissance de pratiques chamaniques et l’intérêt qu’on leur porte n’ont pas disparu, en dépit de tous les changements de société. Comment se fait-il qu’à notre époque pleine de toutes sortes de méthodes d’épanouissement personnel, de plus en plus de gens cherchent à expérimenter les techniques chamaniques ? Pourquoi voulons-nous pénétrer les mondes invisibles de la conscience ? Ne pouvons-nous pas faire suffisamment de « vrais » voyages ? Que peuvent-nous offrir les techniques chamaniques comme les postures rituelles et la transe extatique, que les « vrais » voyages ne peuvent pas nous apporter ?

Vivre volontairement une expérience chamanique pour découvrir d’autres stades de perception peut être apaisant, enrichissant et plein d’enseignement. Ces expériences sont possibles après un bref entraînement, elles n’obéissent à aucun dogme et n’entraînent aucune dépendance par rapport à des « maîtres ». De plus, les méthodes des rituels chamanistes et leur vision globale du monde sont étroitement liées au développement naturel, au respect de la nature, de l’âme de tout ce qui existe. Ceux qui ont vécu l’expérience de l’identité de toute vie et de la connexion de toutes choses entre elles peuvent vivre la réalité quotidienne de manière plus libre et plus intense. Felicitas Goodman le dit clairement : la transe est saine. Ceux qui ont eu la chance de la rencontrer n’ont pas besoin d’explication supplémentaire.

Et ils n’ont obtenu qu’un rire en réponse à la question de savoir si elle était une « chaman ». Elle répond simplement : »Il n’y a pas de chaman sans société chamaniste vivante. Je n’ai fait que trouver l’un des nombreux passages possibles vers d’autres réalités. »
Alors, beaucoup de techniques chamaniques et pas de chamans ? Le chamanisme n’est pas une religion. C’est la tradition spirituelle la plus ancienne de l’humanité. C’est la « science des expériences ». En ce sens, le chaman est le spécialiste holistique d’une société égalitaire, qui utilise ses connaissances pour son bien-être et pour celui de sa communauté.

Mais être un chaman n’est pas une occupation, un travail que l’on recherche. Devenir chaman n’est pas un « job ». C’est le plus dur travail que l’on puisse faire, et la plupart du temps c’est soit une vocation soit une tradition familiale. La formation d’un chaman demande un travail long et difficile, quelquefois dans des situations qui mettent sa vie en danger pendant son initiation. En comparaison, les formations occidentales pour devenir « chaman » ne sont qu’un des phénomènes aux multiples facettes de notre supermarché centré sur l’ego.

On ne peut pas devenir chaman dans une société non chamaniste, mais il y a plusieurs possibilités d’intégrer certaines parties du travail des chamans et des techniques chamaniques dans notre culture, individuellement ou en groupe.

Les méthodes des chamans contiennent encore de grandes possibilités de connaissance intérieure, de traitements holistiques, de modifications agréables de la conscience. Grâce aux chamans de cultures indigènes (Amérique du Sud, Amérique Centrale, Népal, Mongolie, Corée et autres), nous pouvons apprendre à modifier nos « filtres de perception » pour entrer en contact direct avec le monde spirituel du chamanisme et en même temps utiliser nos propres expériences de techniques chamaniques comme un pont qui peut nous conduire aux vieilles traditions oubliées des sociétés dites occidentales.

Il est temps de cultiver ces racines pour qu’elles puissent croître à nouveau et ramener le savoir de nos ancêtres chamans dans notre « vie moderne ». (Nana Nauwald)

Nana Nauwald – French
© 2006 Nana Nauwald

Alle Texte & Grafiken © Nana Nauwald
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